Vipère au poing : l'imposture littéraire d'Hervé Bazin enfin dévoilée

Vipère au poing : l'imposture littéraire d'Hervé Bazin enfin dévoilée

Le roman Vipère au poing, paru en 1948, a marqué des générations de lecteurs par son portrait impitoyable d'une mère tyrannique. Hervé Bazin, l'auteur angevin, y dépeignait son enfance sous la férule d'une figure maternelle odieuse, surnommée Folcoche, qu'il présentait comme un reflet fidèle de sa propre vie familiale. Succès immédiat, le livre s'est vendu à plus de cinq millions d'exemplaires et traduit dans une trentaine de langues, propulsant Bazin au rang de romancier national. En effet, il deviendra même président de l'Académie Goncourt en 1973, occupant ce poste pendant vingt-trois ans.

Mais voilà que, près d'un siècle après la naissance de l'écrivain en 1911, une enquête récente bouscule cette narrative bien rodée. Émilie Lanez, journaliste chevronnée, publie "Folcoche", un ouvrage qui démonte pièce par pièce la légende forgée par Bazin. Selon elle, l'auteur aurait non seulement exagéré, mais carrément inventé les tourments infligés par sa mère, Paule Guilloteaux, pour se venger d'une famille qu'il détestait. Des archives familiales et policières révèlent un Bazin manipulateur, qualifié de "psychopathe constitutionnel" par certains, dissimulant ses propres errements – mensonges, impostures – derrière une mystification littéraire.

De plus, cette révélation arrive à point nommé, alors que le roman connaît une nouvelle vie : une adaptation en bande dessinée signée Frédéric Rébéna est sortie en avril dernier, fidèle au décor de la Belle-Angerie, le château familial près d'Angers. Toutefois, ce regain d'intérêt soulève des questions embarrassantes. Bazin, qui a enchaîné les mariages – quatre au total – et les enfants, sept en comptant, dépeignait les mœurs bourgeoises avec un naturalisme cru, mais était-ce sincérité ou pure fiction ? En effet, des proches rapportent une Paule bien différente : stricte peut-être, mais loin de l'ogresse décrite.

Cette affaire rappelle combien la littérature peut tisser des voiles sur la vérité. Et si, au fond, Vipère au poing nous interroge moins sur une enfance maltraitée que sur les mensonges que l'on se raconte à soi-même ?

Partager cet article